Mudra internes

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Les mudra  internes sont des pratiques très puissantes et en même temps très subtiles. Les textes classiques du Hatha Yoga insistent sur leur importance.  Avant de les présenter plus en détails, rappelons ici quelques notions fondamentales qui permettront de mieux comprendre leur effets et modes opératoires.

Dynamique énergétique du Tantra

La Tantra et le Yoga partagent une vision commune de l’anatomie subtile du corps humain. Ainsi ce dernier comporte des centres énergétiques (chakras et marma) reliés par un réseau de canaux (nadi) dans lesquels circule le Prana sous forme de différents souffles (vayu en lien avec les 5 éléments). On se reportera à notre série d’articles Yoga pour le corps subtil pour plus de précisions sur ces différentes notions.

La démarche tantrique est alchimique dans le sens où elle vise à transformer le pratiquant, à transmuter son corps dans le but de la réintégration de sa conscience individuelle avec la conscience universelle.

Amrita et Kundalini

Amrita, le nectar d’immortalité, est dans la culture indienne la breuvage des dieux, similaire à l’ambroisie. Il est évoqué dans le Rig-Veda comme similaire à Soma, un breuvage consommé de manière rituelle pour altérer l’état de conscience. Sa composition exacte est perdue ou gardée secrète et consiste selon certains à un mélange précis de nombreuses plantes sont certaines avec des propriétés psychotropes comme les champignons magiques. D’autres le rapprochent du breuvage amérindien Ayahuasca dont le sens où il contiendrait la substance DMT tout comme son inhibiteur.

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Représentation de Soma chakra par Harish Johari (issue du livre « Chakras, centres d’énergie de transformation« )

Pour le Yoga tantrique, Amrita est également un liquide produit par les glandes du cerveau, lui aussi doté de propriétés agissant sur l’état de conscience du pratiquant. Au niveau subtil, Amrita est produit par le Soma chakra, associé à la Lune. Il s’agit d’un sous chakra situé au sein du 7ème chakra Sahasrara, au milieu du front et à l’arrière de la tête. Soma chakra et plus généralement Sahasrara chakra sont associés à Shiva, le principe de conscience. Et les pratiques tantriques visent à réaliser l’union de Shiva avec Shakti, la puissance de manifestation.

Cette énergie Shakti  est endormie  en nous dans Muladhara chakra et est représentée sous forme d’un serpent enroulé sur lui-même, la Kundalini. L’objectif du Tantra et du Laya Yoga est de réveiller l’énergie Kundalini pour la faire remonter, à travers le nadi central Sushumna, vers  Shiva et les centres supérieurs de conscience. L’union (yoga) de Shakti et Shiva correspond également à la fusion de la Kundalini et du nectar Amrita qui peuvent alors redescendre  vers Muladhara chakra et ainsi diviniser le corps. A l’inverse, sans ce travail, le nectar descend sous forme de poison jusqu’à Manipura chakra où il est consumé provoquant ainsi le vieillissement.

Les granthi

L’éveil et la montée de la Shakti sous sa forme de Kundalini nécessitent de travailler à la purification des chakras et donc du mental, des émotions et des éléments. Cela requière également l’ouverture du canal central Sushumna ordinairement fermé. Les pratiques du Yoga tantrique, dont les mudra, sont réalisées dans cet objectif.

Cela consiste notamment à défaire trois nœuds énergétiques ou granthi. Ils sont situés le long du nadi central où ils obstruent le passage de la Kundalini.  Il s’agit de contractions énergétiques voire physiques correspondant à des schémas émotionnels et mentaux  correspondant à notre manière personnelle de limiter ou incarner la conscience universelle.

Ces points de passage correspondent donc à des niveaux de conscience de notre personnalité et symbolise trois obstacles ou attachements majeurs sur le chemin de la réalisation spirituelle  :

  • Brahma granthi : opère dans la zone de Muladhara chakra, lié à la connaissance, aux besoins et désirs instinctifs dont celui de procréer ;
  • Vishnu granthi : opère dans la zone d’Anahata chakra, lié à la subsistance physique, émotionnelle, mentale et énergétique via la transformation de l’énergie universelle ;
  • Rudra granthi : opère dans la zone d’Ajna chakra, lié à l’égo et la conscience de soi qui nous sonne l’illusion d’être séparés de la conscience universelle.

Le fait de dénouer ou percer ces granthi résulte du travail de purification et de transformation du pratiquant au niveau de ses différents kosha pour s’en détacher progressivement et se rapprocher de la conscience universelle.

Mudra de la tête (Mana Mudra)

Cette catégorie concerne les mudra  réalisés au niveau de la tête par exemple avec les yeux, les oreilles, le nez, la langue et les lèvres. Ces gestes sont donc liés aux organes des sens et aux pratiques de Pratyahara (retrait ou internalisation des sens). En effet, ils nécessitent une concentration interne importante et facilitent la méditation profonde te les états supérieurs de conscience.

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Mudra des yeux (images issues du livre « Yoga Darshan » de Swami Niranjanananda)

Entrent dans cette catégorie les mudra lié à la position des yeux et la concentration du regard (drishti) :

  • Shambhavi mudra (ou Bhrumadhya drishti) : regard fixe vers le centre entre les sourcils, yeux ouverts ou fermés, qui active Ajna chakra ;
  • Agochari mudra (ou Nasikagra drishti) : regard fixe sur la pointe du nez, yeux ouverts, qui active Muladhara chakra ;
  • Bhuchari mudra : regard fixe dans le vide sur un point situé à la largeur d’une main de la lèvre supérieure.

Ils sont généralement pratiqués en position assise de méditation et peuvent être associés à des exercices de souffle avec rétention (pranayama). Par exemple la technique d’Akashi mudra combine Shambhavi mudra à l’inspiration et rétention haute la tête roulant légèrement vers l’arrière puis Nasikagra drishti à l’expiration et rétention basse la tête revenant dans son axe.

Les Mana mudra peuvent également impliquer de gestes de la bouche, généralement associés au souffle et à d’autres mudra. Par exemple :

  • Kaki mudra : alternance d’inspirations bouche ouverte avec les lèvres en forme de bec et d’expirations bouche fermée, le regard état tout le temps fixé en Nasikagra drishti ;
  • Manduki mudra et Bhujangini mudra : gestes abordés dans le premier article de cette série où la bouche imite respectivement la respiration de la grenouille et du cobra.
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Shanmukhi mudra (image issue du livre « Asana Parnayama Mudra Bandha » de Swami Satyananda)

L’intériorisation des sens et le retrait de l’esprit de l’environnement extérieur est travaillé à l’aide de Mana mudra plus complets qui s’apparentent à des kriya, comme par exemple :

  • Shanmukhi mudra : fermeture des six portes ou orifices du visage (yeux, nez, oreilles et bouche) à l’aide des doigts et rétention à poumons pleins qui connecte entre eux les organes des sens et les partie du cerveau associées tout en aidant à se focaliser sur la perception du son intérieur ;
  • Chachari mudra : circulation de l’attention sur trois points successifs à quelques centimètres du nez (Bhuchari mudra), sur le bout du nez (Nasikagra drishti) et entre les deux sourcils (Bhrumadhya drishti) ;
  • Unmani mudra : envoyer le souffle et la conscience le long de la colonne vertébrale et dans les différents chakras, en fermant progressivement le yeux dans la descente vers Muladhara chakra et en les ouvrant lors de la remontée vers Ajna et Soma chakra.

Terminons ce rapide survol des Mana mudra par la pratique de Khechari mudra. Ce geste de la langue a pour objectif de permettre au pratiquant de gouter au nectar Amrita discuté plus haut.

Il s’agit de recourber le bout de la langue dans la bouche jusqu’à ce qu’il atteigne le palais mou (étape 1) et la cavité nasale (étape 2).

Texte de remplacement généré par une machine : Kechari Stage 1 Kechari Stage 2
Khechari mudra (images issues du livre « Asanas, Mudras and Bandhas » de Yogani)

Pour ce faire, il est nécessaire d’étirer la langue quotidiennement pour la ramener jusqu’à la cavité nasale, après la limite du palais mou. Les textes classiques de Hatha Yoga décrivent le fait de couper progressivement le frein lingual avec un instrument pointu sur une période de plusieurs mois, ce qui réserve Khechari mudra à des pratiquants avancés et encadrés par un instructeur expérimenté.

Technique avancée de Kechari Mudra

La technique Talabya Kriya peut être utilisée pour préparer Khechari mudra, en assouplissant progressivement le frein lingual sans le couper.

Comme illustré sur les deux vidéos ci-dessus, il s’agit d’appuyer le corps de la langue contre le haut de la bouche pour créer un effet de ventouse, puis d’abaisser la mâchoire inférieure pour étirer le frein lingual, puis de relâcher la langue avec un claquement et enfin de tirer la langue vers la menton.

Mudra pelviens (Adhara Mudra)

Les Adhara mudra travaillent au niveau des muscles du plancher pelvien. Pour bien placer et ressentir les effets de ces mudra, il est utile de préciser quelques points anatomiques.

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Le périnée, aussi appelé plancher pelvien, est un ensemble de muscles en forme de losange situé dans le bassin, s’étendant de l’os pubien au coccyx. Il est percé chez la femme de trois trous : le méat urinaire, le vagin et l’anus et de deux chez l’homme. Il a notamment pour fonctions de soutenir les organes pelviens (vessie, utérus, rectum) et d’assurer la contraction des sphincters qui régulent l’ouverture des différents conduits (urètre, vagin et anus).

Les mudra du périnée permettent de dissocier et renforcer les différents muscles et sphincters et ainsi de travailler de manière plus précise et subtile sur l’énergie et les centres énergétiques du bas. Ils constituent également des exercices préparatoires à Mula Bandha décrit plus loin.

Ashwini mudra qui signifie le geste de la jument tire sont nom de sa ressemblance au mouvement réalisé par les chevaux après avoir déféqué. Il s’agit d’alterner en rythme contractions et relâchements des muscles du sphincter anal. Une variante consiste à contracter le sphincter anal à l’inspiration et le temps de la rétention haute. Petit à petit le pratiquant se concentre sur la zone de l’anus et relâche les autres muscles et conduits du plancher pelvien.

Cette pratique renforce les muscles du sphincter anal et empêche la fuite de Prana du corps, le rendant disponible pour le travail spirituel.

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La contraction du sphincter de l’urètre pendant la rétention haute s’appelle Vajroli mudra chez l’homme et Sahajoli mudra chez la femme. Le geste est le même que lorsque l’on se retient d’une envie pressante d’uriner. Toute la subtilité du mudra réside, comme précédemment, à isoler et relâcher les autres muscles du plancher pelvien. Cette pratique travaille sur la sexualité et le 2ème chakra (Svaddhistana).

La pratique avancée et traditionnelle de Vajroli mudra, qui implique pour l’homme d’insérer un cathéter dans l’urètre pour vider la vessie du liquide et de l’air qu’elle contient, vise à développer la maîtrise des organes et des muscles liés à la sexualité. L’objectif est d’arriver à retenir, pour l’homme comme pour la femme, les fluides lors de l’acte sexuel et d’ainsi conserver la vitalité et la redistribuer dans le corps. C’est un acte de sublimation de l’énergie sexuelle en énergie spirituelle stockée dans le cerveau.

La maîtrise de Vajroli mudra et Sahajoli mudra est sensée menée à Amaroli mudra où cette sublimation d’énergie déclenche dans le cerveau la production du nectar Amrita.

Ces différentes pratiques d’alchimie de l’énergie sexuelle étaient traditionnellement gardées secrètes et réservées par le guru à ses disciples avancés. Les traces ou indices contenus dans les textes classiques du Hatha Yoga ont souvent été mal interprétées, traduites et parfois même supprimées. Ce qui semble important de retenir ici est qu’ils s’agit de techniques tantriques utilisant le corps physique pour réaliser l’union de Shiva et Shakti évoquée au début de l’article.

La contraction du périnée, entre l’urètre et l’anus, est mise en œuvre dans Mula Bandha. Là également il s’agit d’isoler les différents muscles pelviens et de détendre les sphincters autour de l’urètre et de l’anus.

Les Adhara mudra demandent une pratique régulière avant de permettre de bien dissocier les différentes zones et muscles. Il s’agit de pratiques subtiles mais très puissantes. En effet, elles agissent sur les deux premiers chakras et redirigent l’énergie sexuelle créatrice et le Prana de la base vers le haut, jusqu’au cerveau.

Voici quelques exercices pratiques pour vous aider à positionner Ashwini mudra et Mula Bandha. Ils sont issus de l’ouvrage « Anatomy of Hatha Yoga » de David Coulter :

  • debout, les talons joints et les pieds écartés à 90°, penchez-vous légèrement vers l’arrière en resserrant doucement l’arrière du corps et en relâchant l’avant, la contraction du plancher pelvien est alors naturellement en Ashwini mudra ;
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A;hwini Mudra
  • ressentez la différence entre les zones activées lors de la contraction du plancher pelvien dans les postures chien tête en haut (Ashwini mudra) et chien tête en bas (Mula bandha), alternez les deux postures plusieurs fois pour bien intégrer la différence de ressenti ;
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  • prenez une posture modifiée du chat qui s’étire, les coudes écartés comme sur l’image ci-dessus, en imitant un chat s’apprêtant à se clisser sous votre canapé, la contraction du plancher pelvien engage alors naturellement Mula bandha.

Mudra de liaison (Bandha Mudra)

La mot Bandha est souvent traduit par « verrou » ou « ligature », ce qui peut induire de la confusion au sujet des pratiques subtiles que sont ces mudra. Le mot sanskrit signifie également « lien » ou « attache », termes plus proches de la notion de connexion subtile inhérente aux mudra.

Ainsi les Bandha mudra sont des gestes pour affiner des liaisons entre différentes parties du corps, les rendre plus subtiles et modifier la qualité d’énergie qu’elles filtrent et laissent passer. S’il y a verrou ou ligature c’est au niveau grossier mais pas au niveau de l’énergie subtile qui est au contraire étirée, canalisée et orientée de façon consciente. Les Bandha mudra participent à la dynamique de transformation évoquée au début de l’article autour de Kundalini et d’Amrita.

Ils travaillent à la reconfiguration énergétique du pratiquant et agissent au niveau des granthi sur les plans physique, émotionnel, mental et spirituel. Au niveau énergétique, il s’agit de conduire le Prana dans le nadi central Sushumna, en utilisant également des rétentions souffle. Il est important de rester immobile et en conscience après la fin du bandha car les effets se font aussi ressentir à ce moment.

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Il existe un bandha par granthi :

  • Jalandhara Bandha :
    • lien subtil de la gorge, effectué en étendant le cou et en élevant le sternum avant de laisser tomber la tête afin que le menton puisse reposer sur la poitrine (la langue est poussée contre le palais) ;
    • au niveau physique ce geste permet de réduire la pression dans la tête lors des longues rétentions de souffle et au niveau subtil il permet de ne pas bloquer l’énergie au niveau de la poitrine et de la gorge ;
    • travaille au niveau de Rudra granthi ;
  • Uddiyana Bandha :
    • lien subtil de l’abdomen qui après l’expiration est aspiré sous la cage thoracique, le diaphragme déployé comme un parapluie ;
    • ce geste est tenu en rétention poumons vides sans trop forcer ;
    • travaille au niveau de Vishnu granthi ;
  • Mula Bandha :
    • lien subtil de la base où le périnée est contracté et étiré vers le haut tout en relâchant au maximum le reste du plancher pelvien (cf. les points discutés plus haut dans la partie sur les Adhara mudra) ;
    • ce bandha est celui qui nécessite le plus de travail, surtout dans la société actuelle où la position naturelle du bassin est modifiée par nos habitudes de vie (positions assises longues, port de chaussures à talons) qui ont tendance à rendre le périnée hypertonique ;
    • travaille au niveau de Bhrama granthi.

La technique de Maha Bandha consiste à associer les trois bandha précédents. Elle est utilisée dans le geste Maha Mudra présenté dans le premier article de cette série où il est également accompagné de Khechari Mudra et Shambavi Mudra.

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Dans cette configuration, Mula bandha permet d’inverser le mouvement d’apana vayu et de le diriger vers le nombril où sa fusion avec prana vayu est facilitée par Uddiyana bandha. Jalandhara Bandha termine alors l’orientation vers les chakras supérieurs de l’énergie sublimée de la base.

Il s’agit d’une technique très puissante et éminemment tantrique dont l’objectif est d’unir Shiva et Shakti et d’atteindre des niveaux de conscience proches de la conscience universelle.

A ces quatre bandha les plus connus s’ajoutent d’autres techniques complémentaires pour mettre en place des liaisons subtiles :

  • Pada Bandha (lien subtil des pieds) : obtenu en contractant le pied de manière à arquer la voute plantaire, comme pour la remonter vers le haut, cela a pour effet de s’ancrer dans le sol (consulter l’article consacré à l’ancrage des pieds et des jambes pour plus de précisions) ;
  • Hasta Bandha (lien subtil des mains) : équivalent du précédent mais au niveau des mains, que l’on peut explorer dans la posture du Chien tête en bas ;
  • Jihva Bandha (lien subtil de la langue) : placement de la langue sur la palais pour lier corps et esprit et stimuler les chakras supérieurs, en fonctions des écoles la langue pointe délicatement au-dessus des dents de devant, est plaquée contre le palais ou est retournée vers le palais mou (étape 1 de Khechari mudra présentée plus haut).

Ainsi s’achève notre deuxième article sur les mudra. Nous avons vu que ce terme regroupe un certains nombre de pratiques qui peuvent sembler hétérogènes au premier abord. Mais, qu’ils soit extériorisés (sous forme de Hasta mudra ou Kaya mudra) ou plus internes (comme les Mana mudra, les Adhara mudra ou les Bandha mudra), ils s’agit de gestes et d’attitudes subtils travaillant sur les différents corps un but de réalisation spirituelle. Il s’agit d’une composante essentielle du Hatha Yoga.

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